« Les Fénestrettes » à Saint-Guilhem-le-désert.
- 12 ou 14 km
- 550 m de dénivelée.
Aujourd’hui, nous délaisserons la route de l’Hermitage qui se hisse à droite du village de St Guilhem : nous ignorerons les entrelacs sinueux qui grimpent jusqu’aux ruines fantomatiques et noires du "Château du Géant", du XII e siècle, où Izoré, roi des Saxons, se serait réfugié...
Non, non, nous n’irons pas de ce côté-ci, mais quelle que soit l’orientation choisie, la beauté des roches, falaises, éperons, nous prendra aux tripes et l’incursion dans cet unique « Cirque de l’Infernet » ne peut qu’être exaltante !
Nous irons tout à gauche et le chemin cabré vers le sommet s’adoucira très vite en lacets que l’on s’amuse à compter... 5... 9... mais l’on s’embrouille bientôt et leur nombre s’évanouit !
Puis, à l’intersection attendue, on file à gauche, en catimini, espérant retrouver son souffle ! Mais ça monte encore, sur des pierriers qui roulent sous nos pas ! Roger n’est pas très rassuré : il a oublié ses souliers de randonnée et grimpe en coquets baskets de ville à la semelle glissante !
Les cailloux s’imposent et supplantent la terre herbeuse, la progression s’avère délicate ; l’ascension nous récompensera d’un panorama bucolique jusqu’aux abords de la mer, au point dit « Max Nègre ». A l’opposé, la profondeur du Cirque de l’Infernet ouvre un large panorama sur la vallée de l’Hérault et les ruines du Géant paraissent lointaines et minuscules sur leur arête rocheuse ; à l’abri, derrière la falaise, on imagine les tuiles rouge-grenat de Saint-Guilhem...
Plus on accède au sommet, plus les corps déformés des Salzmann offrent leur stature grimaçante sous leur chapeau-parapluie. On n’en trouve qu’ici, à Saint-Guilhem, et leurs silhouettes singulières et biscornues réveillent le site telles des marionnettes animant un théâtre de rue.
Vers Midi, nous abordons une large piste qui dégringole sur le flanc Nord ; poussés tout le long par un vent violent, qui en échange a rendu le ciel bien bleu, nous allons connaître tout le long de cette descente facile et souvent cimentée, les affres d’une tempête de bourrasques, pluie fine et grésil venus du Larzac proche ; les capes revêtues à la hâte se déchirent ou se tordent en tous sens, nous métamorphosant en pantins fragiles et menus, ballottés tels des fétus de paille par une force venteuse furieuse et tourbillonnante ! Les marcheuses à la silhouette tordue dans la tourmente se tiennent par le bras ou s’accrochent aux hommes, plus lourds qu’elles !
Le moment du repas fut précédé d’une longue quête de l’endroit idoine, « à l’abri à tout prix (!) » mais l’endroit requis ne fut pas exempt de rafales de poussières... Chacun mangea avec le grand appétit que procure un air aussi vif et impétueux !!! Enfin circulèrent les friandises habituelles, le café déjà tiède, les fruits secs ou frais ; une chaude odeur de cigarette vint flatter l’odorat...
Après la piste s’ouvre une merveille de petit sentier à droite, caché dans la garrigue redevenue touffue et protectrice ; le sol est meuble, sans cailloux, propice aux balades à vélo au cours desquelles on crie sa joie à tue-tête d’être libre, heureux de vivre et de profiter pleinement !! Les bruyères aux fleurs mauves nous font une haie d’honneur ; seconde floraison tardive après les dernières pluies !
Les Fénestrettes ( et non les fénestrelles, ce serait trop simple !!!) ne sont plus très loin ; elles se profilent en équilibre sur le flanc vertical de la falaise !
De loin on dirait une verrue rocheuse de pierres taillées, engluée à la paroi, en réalité ouvrage de consolidation avec contreforts, d’une voie de passage construite au XVIII ème par les moines de l’abbaye de Gellone, en quête d’échanges commerciaux.
Muletiers, moines, bergers et marchands empruntèrent ce chemin caladé, ouvert à l’aplomb de la falaise, pour accéder de la vallée de l’Hérault aux Monts de St-Guilhem puis sur le plateau du Larzac...
De là, on observe la profondeur du Cirque, on admire ces lacets de pierres blanches, ces escaliers naturels, ces bâtis qui soutiennent la montagne avec des entailles pour chasser l’eau, des encorbellements et arcades. Au-dessus, court le petit sentier, protégé comme dans un écrin !
La descente s’effectue dans la bonne humeur et personne ne regrette d’être venu malgré la folle météo. « Ça change du train-train de certaines balades » sourit Françoise C. et Thierry nous explique haletant qu’une rafale de vent l’a plaqué au sol contre la falaise, en bord de précipice !
Le cœur de Saint-Guilhem est proche, palpitant de ses maisons de pierres médiévales, de son aristocratique abbaye bénédictine, de son platane majestueux planté en 1855, de ses porches enjambant les rues, de ses escaliers et recoins tortueux mais aussi du parfum subtil en Mai de ses plants de jasmin.
Le groupe aura le désir de se restaurer, de se réchauffer dans le bar de la place tandis que dehors les agents municipaux décrochent les dernières guirlandes d’un Noël évaporé. Les joues sont rouges des stigmates du vent et les yeux malmenés piquent. Certains ont la mine plus pâle des gens fatigués, la plupart se réconfortent d’un café ou chocolat chaud !
Aujourd'hui les chalands effacent - par leurs bibelots et camelote, leurs couleurs affriolantes, leurs étals grands ouverts en saison, et leur devanture aguichante - la magie d'un lieu qui, autrefois, ne se vouait qu’à la spiritualité.
denise 🙏