38 - Dimanche 15 mars 2018.
« Le Sud du Larzac »
- 19 km
- 300 m de dénivelée.
Ça y est ! Jean-Pierre s’est décidé ! Il nous amène dans le Sud du Larzac et cette fois-ci on n’y déroge pas, nous visiterons La Couvertoirade !!!
Ce nom déjà résonne de façon métallique, il porte en écho tous les combats de ces soldats de Dieu, armés de ferraille de la tête aux pieds et invitant les naïves âmes paysannes à se joindre à eux !
C'est l’un des plus beaux villages de France, au sein du « Parc Naturel Régional des Grands Causses », inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, mais c’est également le plus petit : 30 habitants !
Il est entièrement bâti dans la pierre grise du Causse, ceint de solides remparts défensifs du XV ème et parcouru de ruelles pavées, de porches, de perrons et d’escaliers incurvés par les empreintes séculaires des pas.
Le ciel très haut ce matin, d’une beauté biblique après ces pluies, enchante la garrigue sous son puits de lumière. Nous démarrons par un regard toujours appuyé au bel arbre, un olivier je crois, qui fait la fierté du Caylar.
On reconnaît un aigle, un drôle de hibou, un scarabée immense et un homme nu dans une position christique. Sa tête est inclinée, son regard chagrin et ses bras comme cloués à une croix fictive ; mais Marie-Hélène est formelle : « Non, on ne montrerait jamais les attributs génitaux du Christ ! »
C’est impossible, blasphématoire !
« Les parties intimes des Saints, à plus forte raison du Christ, sont toujours recouvertes d’un périzonium ! Vous savez, ce linge simplement noué sur la hanche ! »
C’est Yolande, étudiante studieuse en Histoire de l’Art, qui nous assène la nouvelle, et le mot, plus ou moins mémorisé, fleurira sur toutes les lèvres, tout au long de la balade !
Soudain nous quittons la piste trop simple à suivre, pour aller visiter deux «points forts» ! Et l’on s’entrave et s’accroche hors sentiers aux plantes rases méditerranéennes montrant les dents !
Pas une feuille accrochée aux arbres ! De tristes silhouettes grises et fantomatiques font office de décor... La saison printanière n’est pas entamée ici ! D’ailleurs l’on s’étonne de chemins exempts de crottes... Normal ! Les brebis sont encore confinées dans les bergeries ! explique Bernadette.
Le sol rocailleux rappelle son appartenance au Causse aride, sec, peu avenant. L’horizon s’étire loin devant nous et l’air reste pur, saturé du parfum appuyé du thym sauvage.
Nous débouchons soudain après quelques tâtonnements sur un sotch typique du Larzac, sorte de dépression circulaire au fond argileux, et nous nous engouffrons dans un « abri sous roche » assez profond ; quelques bergers viennent y séjourner car les restes brunis d’un feu de bois signent leur passage. Des amoncellements de cailloux et pierres sèches calfeutrent les côtés de la grotte tandis qu’un trou central permet l’évacuation des fumées. « Des hommes préhistoriques ont pu se terrer là » suppute Jean-Pierre.
Puis nous poursuivons notre quête du deuxième « point fort » : une faille ou aven spectaculaire de plusieurs mètres de long et de large. Quelque chose d’impressionnant et de remarquable !
Un gouffre qui vaut le détour ! Nous sommes tous partants pour faire l’effort mais la progression dans cette nature hostile n’est guère aisée ; les cuisses piquent sous les épines des genêts scorpions renaissants ; les buis et genévriers masquent les minuscules traces qui nous mènent à droite, à gauche, enfin nulle part, et nous posons nos sacs et nos fesses, assez découragés !
Notre bergère Bernadette a laissé là son troupeau citadin et s’est enfuie tout comme Thierry et son GPS, Paul, Jean-Pierre et Jean-Jacques !
Où se situe cette fichue faille ? Il faut la trouver !
Ce sera en vain qu’ils se déchireront les jambes, s’essouffleront et parcourront des centaines de mètres ! Notre troupeau docile et patient grignotant, lui, friandises et fruits secs !
On pénètre enfin dans le village de la Couvertoirade par la porte fortifiée qui ouvre les remparts, édifiés au XV pour repousser les assauts des méchants routiers du Moyen-Age ; deux belles tours que l’on aperçoit de loin encadrent cette entrée majestueuse... On en oublie le moulin rénové, à l’extérieur, qui dépare quelque peu ; les maisons très serrées ne sont pas accolées et les toits renvoient des éclats de lauze grise ou de tuile rouge. Les fenêtres sont à meneaux ou ornées de frises sculptées.
Le château est privé, on devine au-dessus de sa porte d’entrée face à l’église, les traces d’une ancienne bretèche par lesquelles dégringolaient pierres et eau chaude !
L’église sobre, aux vitraux modernes, date du XII et jouxte le cimetière templier aux stèles rondes ornées d’une croix.
Ces chevaliers de l’Ordre de Malte s’étaient établis là, au XII e siècle, sur des terres offertes par le Comte de Millau.
On y cultivait des céréales, on y élevait chevaux, brebis et moutons, on s’initiait à l’art de la guerre !
Or, pas de source ici, pas d’eau au départ !... Ces moines-soldats réfléchirent alors à un système ingénieux de récupération des eaux naturelles :
1) les corbeaux des maisons soutenaient des chêneaux de bois ou de pierre qui canalisaient l’eau jusqu’à des citernes ;
2) les rues pavées et légèrement en pente alimentaient en eau de pluie une mare pour les animaux qui se situait en bas du village, sur la place actuelle ; dès 1895 par hygiène la mare fut remplacée par l’actuelle et élégante lavogne au pied des remparts.
3) enfin, une conque (ou puits profond) cachée derrière l’église, retenait les eaux que les femmes extirpaient à l’aide de cordes et de seaux :
- un sur la tête,
- deux autres au bout des doigts, voici la corvée quotidienne exclusivement féminine de naguère !
4) « le don de l’eau » était une institution charitable : au travers de l’épais rempart, par une brèche étroite qui le traversait, on donnait à boire au manant ou voyageur assoiffé errant sur ce Larzac sec, sans courir le risque de s’aventurer hors de l’enceinte !
Le retour empruntera un magnifique chemin de communication entre villages à dos d’ânes, une buissière ombragée agrémentée sur la fin d’un relief karstique déclenchant dans nos cerveaux imaginatifs un réflexe de paréidolie.
Ainsi avons-nous pu rencontrer inopinément un bélier minéral aux cornes enroulées, une tête de caniche fière sur son énorme bloc de calcaire, un lapin triste faisant la moue, un doigt levé à l’aspect phallique et les deux oreilles d’un gentil ourson...
Bravo et merci Jean-Pierre de nous avoir permis de remonter le temps... et de nous en évader aussi !
denise 🎠🏰
🐑🐩